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Dom Alexis, le chant des pierres
2 mai 2013

PREMIER VOLET D'UN RAPPORT INÉDIT RÉDIGÉ PAR DOM ALEXIS EN PERSONNE

 Rapport rédigé par le R.P DOM ALEXIS PRESSE

 pour Mgr. KERVEADOU Évêque de St Brieuc

 Novembre 1963

   

Entré au grand séminaire de Saint Brieuc en 1901

DSC09413Tonsuré à Noël 1902

J’entrai à Timadeuc fin janvier 1903 sur le conseil de mon directeur, Mr. L’abbé Cabaret, mort doyen du chapître, après avoir été longtemps Supérieur du grand séminaire.

Je venais d’avoir 19 ans. J’ignorais totalement ce qu’était la Trappe, l’Ordre des Cîteaux ; j’obéissais uniquement à un mouvement intérieur, irrésistible, contrôlé par mon Père spirituel.

Timadeuc était alors réputé comme le monastère le plus régulier et surtout le plus austère de l’Ordre. Tout y était centré sur la pénitence, commandé par elle, la pénitence dominait tout et en tout.

Noviciat sans histoire sous la conduite d’un Père Maître ; le Père Brieuc Boutmy, ancien missionnaire de Chine, parfaitement ignorant de tout ce qui touchait à l’Ordre, uniquement soucieux de faire observer le règlement et d’exercer la pénitence.

 

Profession simple le 8 février 1905.

Profession solennelle le 16 février 1908.

Prêtre le 10 juillet de la même année à Vannes.

Ensuite Maître des convers.

 

En 1910, Mgr. Marre, Abbé Général, demanda aux Maisons de lui céder quelques jeunes religieux qui étudieraient à Rome et y resteraient comme consulteurs de la Curie Généralice.

Je fus envoyé pour répondre à cette demande.

Appliqué à la théologie, je fus mis ensuite au Droit Canon et conquis le doctorat en 1913.

Je fus alors Maître des étudiants.

Survint la guerre. Mobilisé en 1915 comme auxiliaire, je fus démobilisé en 1917 et retournai à Rome.

Mon abbé d’alors me rappela à Timadeuc en 1919.

En 1920, après trois mois passés à Cîteaux près de l’Abbé Général, je fus envoyé à Bonnecombe dans l’Aveyron comme professeur et sous-prieur.

C’est de là que je fus nommé Supérieur à Tamié en Mars 1923, élu Abbé en décembre 1925.

Dès les derniers temps de mon séjour à Timadeuc, j’avais commencé à me rendre compte du manque d’authenticité et de vérité de l’Observance de la Trappe.

On nous  disait et répétait sans cesse que la Trappe, c’était la mise en pratique littérale de la règle de St Benoît selon le programme des fondateurs de Cîteaux. Manifestement c’était inexact : on était loin de suivre la règle selon la lettre, encore moins selon l’esprit. Pour ce qui était touchait à la liturgie, c’était la confusion totale et la négligence. Le rite particulier de l’ordre était pratiquement inconnu et objet d’indifférence. Étant admis que la célébration de l’office devait, comme le reste, constituer une pénitence, on n’attachait aucune importance au chant. Bien souvent, assister à l’office était plus qu’une mortification : un vrai supplice.

En tout cela, il ne faudrait pas voir une mauvaise volonté quelconque, c’était simplement le fait de l’ignorance : l’abbé de Rancé ayant posé comme principe, on le croyait du moins, que les études étaient interdites, on ne faisait aucune étude sérieuse et ceux qui essayaient d’étudier au moins l’histoire et les institutions de l’ordre étaient de suite mal notés et classés comme “intellectuels“.

C’est sous cette dénomination que je fus connu, dès lors que j’avais été envoyé à Rome pour étudier. Le qualificatif de “révolutionnaire“ s’y ajouta bien vite, quand on s’aperçut que je trouvais à redire aux pratiques et coutumes généralement admises.

En effet, à Rome, ayant à ma disposition des moyens d’information qui manquaient à Timadeuc, j’avais pu m’adonner à des recherches sur les choses de l’Ordre, c’est-à-dire son histoire, sa liturgie, ses institutions et sa spiritualité.

J’avais aussi constaté l’inexactitude de ce qu’on nous donnait à Timadeuc comme un axiome tenant à la nature même de l’Ordre, c’est-à-dire la parfaite uniformité de toutes les Maisons dans les observances : étant en contact avec des étudiants venus de différents pays, j’avais pu aisément me convaincre que la fameuse uniformité n’existait aucunement, chaque maison ayant ses coutumes et usages particuliers.

En 1913, je fus nommé Maître des étudiants, ce qui me permit d’étudier plus à fond l’Ordre et me mit à même de lui rendre un service signalé en coopérant efficacement à obtenir de la Sacrée Congrégation des rites un décret qui devait avoir des résultats des plus heureux pour la cause de la liturgie dans l’Ordre.

 

Mobilisé en 1915, je pus regagner Rome en 1917 et y poursuivre mes études monastiques jusqu’en 1919 où je fus rappelé inopinément à Timadeuc.

Envoyé à Bonnecombe en 1920 comme professeur, j’y continuai mes recherches jusqu’à ma désignation comme Supérieur de Tamié en 1923. Cette très ancienne et illustre abbaye était alors dans un triste état sous tous les rapports.

Pendant treize ans, je travaillai à son relèvement, au spirituel et au temporel dans des conditions difficiles, car surtout au début, je manquai de l’appui des Supérieurs majeurs, lesquels souhaitaient plutôt la suppression d’une communauté réputée sans ressources et sans avenir.

Plus tard, qualifié de révolutionnaire et de mauvais esprit, je fus en butte à une hostilité marquée qui aboutit en 1936 à une déposition sous forme de procès et dénuée de tout fondement juridique. On pensait pouvoir y aller carrément et sans s’inquiéter des formalités, le préfet de la Congrégation des religieux, le Cardinal La Puma, célèbre par sa vénalité qui lui avait valu à la Curie le surnom de “Pozzo Nero“, n’avait-il pas donné carte blanche à son ami et pourvoyeur l’Abbé des Trois Fontaines, en lui promettant de ratifier tout ce qui serait fait.

D’où provenait cette hostilité étrange qui poussait le susdit abbé des Trois Fontaines à clamer comme un furieux dans les couloirs du Chapître général déjà en 1931 : “j’aurai sa peau, j’aurai sa peau !“ en désignant le pauvre petit abbé de Tamié.

Ces saintes gens étaient animées d’un saint zèle pour leur Ordre. N’en ayant jamais étudié ni l’histoire, ni les institutions, habitués à ne se le représenter que sous l’aspect auquel ils avaient été accoutumés dès les débuts de leur vie religieuse, ils se croyaient tenus en conscience à le maintenir tel quel et c’était un devoir de conscience pour eux de faire disparaître un individu qui se permettait d’émettre des doutes sur la perfection indubitable de leur sacrosaint institut et d’en critiquer les vénérables pratiques.

C’était un ennemi public, son crime était impardonnable parce que sans excuses.

Et en effet, sur le conseil de quelques personnalités à l’esprit moins étroit auxquelles n’échappaient point les déficiences de l’Ordre, j’avais entrepris par de petites études publiées en diverses occasions de montrer par l’histoire et les faits le peu de fondement de telle ou telle coutume ou telle observance. Dans ma naïveté je supposais que, tous étant de bonne foi et n’étant passibles que d’ignorance, il suffirait de montrer la vérité pour obtenir un assentiment unanime. Ce en quoi je me trompais du tout au tout, car ils étaient si convaincus qu’ils étaient dans la vérité, qu’ils ne pouvaient admettre qu’on mit la chose en question et, “ a priori“ se refusaient même à prendre connaissance de tout ce qui pouvait être dit ou écrit à l’encontre.

Afin de me déconsidérer définitivement et d’empêcher toute initiative, on prit même soin d’envoyer à tous les évêques de France une circulaire officielle où ma déposition était notifiée et où il était déclaré que tout ce que je pourrais entreprendre était d’avance désapprouvé par Rome.

À suivre…

 

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Dom Alexis, le chant des pierres
  • Sept témoins racontent le Père Alexis, arrivé en 1936 à l'abbaye de Boquen pour reconstruire le monastère et y fonder une communauté aux règles de vie quasi moyenâgeuses. Regards sur le tournage du film réalisé par François Gorin et Bruno Vienne.
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